Blogue des affaires externes
Jean-Christophe Jasmin- 1er novembre 2024
Les failles du modèle laïc québécois
Vers une nouvelle ronde de débats sur la laïcité
Décidément, la question de la place de la religion dans la société québécoise demeure d’actualité. Toutefois, les réactions épidermiques des derniers jours nous laissent craindre qu’on est encore loin d’un dialogue apaisé sur la question.
Ces derniers jours, la religion est revenue au premier plan de l’actualité suite à la mise au jour d’une affaire d’entrisme religieux à une école primaire de Montréal (l’école Bedford). Dans cette affaire, une douzaine de professeurs auraient été accusés d’avoir créé un climat de travail toxique dans l’école de diverses manières, dont en effectuant de la pression sur des collègues pour qu’ils démissionnent, en refusant l’accès à leur classe à des spécialistes et, on suppose, en employant des pratiques éducatives teintées par leurs convictions religieuses personnelles.
Le terme «entrisme religieux» est ensuite soudainement entré dans le discours, suggérant une sorte de tactique clandestine et concertée de membres d’un groupe religieux pour investir un organisme et la détourner à ses fins. Ce terme, issu du léninisme et du trotskisme, référait d’abord au domaine de l’idéologie. Ce n’est que récemment que ce terme a été appliqué à certaines formes d’islamisme en France, puis récemment au Québec.
Il y a beaucoup à dire sur les événements des derniers jours. La plupart des commentateurs s’entendent pour dire que ces événements révèlent des failles et des lacunes importantes
1- La laïcité québécoise est déficiente:
Ces événements ont révélé encore une fois ce que nous considérons comme la faille fondamentale du modèle laïc québécois: l’État est chargé de surveiller l’État quant à l’application de la laïcité. En tant que protestants francophones, notre communauté se souvient de siècles de discriminations et de persécutions commises par l’État ou avec l’aval de l’État. Ce genre de discrimination se poursuis jusqu’à ce jour, comme dans l’affaire du Centre des congrès de Québec.
Dans l’Affaire de Bedford, c’est finalement l’État Québécois qui aura failli à faire appliquer ses propres lois sur ses propres institutions. Le droit des citoyens à des institutions laïques a été brimé sans véritable moyen pour porter plainte à cet égard.
C’est pourquoi le REQ milite pour l’établissement d’un organisme neutre chargé de s’assurer que l’État respecte sa propre Loi sur la laïcité de l’État. Il y a une multitude de raisons, politiques ou administratives pour lesquelles il ne respecterait pas la Loi dans une situation tandis qu’il l’appliquerait avec zèle dans une autre. Une telle application de la laïcité est finalement contraire à l’esprit de la laïcité.
2- La conception de la laïcité de certains est fondamentalement anti-religieuse:
Une chose très troublante dans cette affaire est la demande des partis d’opposition de couper le financement des écoles religieuses privées. On le rappelle, les écoles religieuses sont des institutions privées au même titre que d’autres institutions privées. Ainsi, l’État ne fournit qu’une part du financement normal qu’il offre pour les élèves du public et les parents compensent le reste à travers des frais et des dons. La différence entre les écoles religieuses des autres écoles privées est qu’elles ajoutent, au programme obligatoire du Ministère de l’éducation du Québec, une dimension religieuse qui peut prendre différentes formes.
Il semble à première vue absurde qu’en réaction à l’échec de l’État de faire appliquer la laïcité dans une école sous son administration directe, la solution serait de définancer les écoles privées religieuses. Cela n’est logique que dans une compréhension anti-religieuse de la laïcité, joint à une représentation simpliste du fait religieux.
C’est comme si on disait: la religion a essayé d’entrer dans nos écoles, bien on fera souffrir vos écoles.
Là encore, on constate une incompréhension claire de la laïcité qui implique à la fois la neutralité religieuse de l’État, et la liberté religieuse.
Comment ce définancement, qui mènerait à la fermeture d’institutions engagés dans la propagation de la religion, et conséquemment à la migration à contre-coeur des ses instituteurs et ses élèves dans le système public, répondrait au problème d’écoles comme celle de Bedford?
3- L’entrisme religieux et l’entrisme idéologique:
Le dernier point que je soulève est probablement le plus contentieux: la laïcité doit s’appliquer non seulement aux religions dites «traditionnelles» (christianisme, islam, judaïsme), mais aussi aux idéologies (humanisme athée, marxisme et les diverses idéologies qui en découlent : théorie critique, théorie du genre, etc.)
Fondamentalement, la laïcité reconnaît qu’il existe divers systèmes de croyances au sein d’une société qui ont des visions différentes, parfois incompatibles, de ce que constitue «la vie bonne», mais que l’État demeure neutre par rapport à ces différentes conceptions. Pour les chrétiens, la vie bonne peut se résumer à connaître Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ (Jean 17.3). Pour le système idéologique dominant, que le théologien chrétien Carl Trueman, appelle l’expressivisme individualiste, consiste à découvrir au fond de soi sa véritable identité, et que le but de la vie est d’exprimer individuellement cette identité, qu’elle soit sexuelle, ou ethnique, etc.
La laïcité dans un contexte éducatif ne veut pas dire que le programme d’enseignement ne peut pas parler de ces systèmes de croyances en tant que faits sociaux réels (il existe des musulmans, il existe des gens qui s’identifient comme non-binaires,, etc.). Plutôt, la neutralité religieuse impose à l’État qu’il ne peut dire: tel système de croyance est vrai et bon, tandis que tel autre est faux et nuisible. Un parent chrétien ne devrait pas craindre que le système d’éducation puisse nuire à la foi de son enfant, ni s’attendre à ce qu’il la renforce. Ce devrait être la même chose pour un parent musulman, athée, humaniste, etc.
Ce qui nous amène au point de friction principal et qui sera récurrent entre les groupes religieux et le système d’éducation québécois: l’éducation à la sexualité. C’est déjà le cas en Ontario et on constate qu’il s’agit du point qui rend le plus mal à l’aise certains parents et professeurs. Au-delà des questions de pudeur, le problème principal est qu’il inclut des jugements moraux sur certaines conceptions du genre et de la sexualité, ce faisant, rompant le pacte laïc. Lorsque le programme officiel du gouvernement du Québec affirme que «Les interventions réalisées auprès des adolescents devraient: › accompagner leur réflexion sur leur identité de genre et sur certains effets nuisibles des versions traditionnelles de la masculinité et de la féminité qui peuvent affecter leurs relations interpersonnelles et leurs comportements sexuels », il pose un jugement moral sur notre conception de la sexualité.
Il va sans dire que certains des enseignements promus au sein de l’école laïque québécoise étaient, il y a quelques années à peine, promus qu’au sein de groupes idéologiques très marginaux. Des concepts propres à des penseurs politiques considérés radicaux comme Herbert Marcuse, ou Judith Butler, se retrouvent maintenant enseignés par l’État comme vérité.
C’est là le nœud du problème: la laïcité ne peut fonctionner qu’à travers le consentement et la participation de tous les québécois. Si on condamne l’entrisme religieux au sein d’une école primaire, mais qu’on ignore l’entrisme idéologique au sein des facultés d’éducation et du ministère, on rompt le socle de confiance qui rend la laïcité réalisable.
Encore une fois, la création d’un observatoire de la laïcité, composé d’experts et de membres de différentes convictions idéologiques, de sorte qu’aucun groupe puisse imposer sa conception de la vie bonne sur les autres, est nécessaire pour une laïcité québécoise viable à long terme.
Jean-Christophe Jasmin- 14 juin 2024
Pourquoi l'exemption fiscale des lieux de culte est essentielle pour la société québécoise
L'exemption fiscale des lieux de culte est un sujet qui revient souvent sur le tapis au Québec. Récemment, Radio-Canada a publié un article proposant la taxation des églises et autres lieux de culte devant des municipalités qui sont à la recherche de sources supplémentaires de revenus. (L’ironie qu’un média subventionné par l’État propose de taxer des acteurs publics non-étatiques pour financer davantage l’État ne semble pas poser de problème à la rédaction!)
Cet article, qui a ravivé les discussions sur le rôle des lieux de culte et leur contribution à la société, répète plusieurs des erreurs conceptuelles par rapport à la place de la religion dans l’espace public. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est lorsque des élus ou des experts se trompent de manière aussi flagrante. D’ailleurs, le choix de RC d’interroger un expert qui milite depuis longtemps contre les exemptions fiscales des lieux de culte, en le présentant simplement comme un expert neutre remet en question l’approche journalistique du sujet.
D’abord, il est important de comprendre que ces exemptions ne sont pas des privilèges injustifiés, mais plutôt une reconnaissance de la valeur que les lieux de culte apportent à nos communautés. Dans cet article de blogue, on va explorer les arguments en faveur de l'exemption fiscale des lieux de culte et démonter quelques idées reçues sur le sujet.
L'exemption fiscale n'est pas une subvention
Commençons par une idée reçue très répandue : l'exemption fiscale, ce n'est pas une subvention de l'État. En gros, si l'État ne prélève pas de taxe foncière sur ces propriétés, ça ne veut pas dire qu'il leur donne de l'argent. D’ailleurs, généralement l’exemption de taxe foncière ne s’applique pas à certains services dont le bâtiment bénéficie (aqueduc, ordures, etc.). L’exemption fiscale, c'est une manière pour l'État de rester neutre vis-à-vis des services religieux, sans les soutenir ni les restreindre. C'est en fait la mise en pratique de la neutralité religieuse, un principe fondamental dans notre société laïque.
La neutralité religieuse de l'État, ça veut dire qu'il ne doit pas se mêler des affaires religieuses, sauf pour garantir la liberté de religion. En exemptant les lieux de culte des taxes, l'État reconnaît que ces institutions jouent un rôle unique qui ne peut être comparé à celui d'une entreprise privée. Les services religieux, contrairement à un commerce, ne génèrent pas de profit et ne devraient donc pas être taxés comme tels.
Les services religieux comme service public
Il est essentiel de comprendre que les services religieux ne sont pas une entreprise privée, mais un service public offert à des citoyens qui contribuent déjà à la société. Les lieux de culte, qu'ils soient églises, mosquées, synagogues ou temples, fournissent des services essentiels à leurs communautés. Ces services sont comparables à ceux offerts par les écoles, les hôpitaux et même les infrastructures comme les routes.
Une objection, qui est d’ailleurs faite par le Pr. Grenon dans un de ses articles sur le sujet, est que le fardeau de la preuve d’un bénéfice public tangible de la pratique religieuse repose sur les épaules des groupes religieux.
Je répondrais d’abord que, tel que stipulé dans le jugement Saguenay, l’État ne peut favoriser ni la religion, ni l’irréligion. On ne peut imposer aux groupes religieux un fardeau supplémentaire qu’on n’imposerait pas à des institutions non-religieuses. Si Radio-Canada reçoit un financement public, c’est parce qu’on croit que cette société offre un service bénéfique pour le public. On n’impose pas à Radio-Canada de démontrer scientifiquement les effets positifs de son activité sur le public. C’est la même chose pour les musées, les parcs, etc. Parce que le public utilise ces services, on prend pour acquis qu’ils offrent un bénéfice à ceux qui les utilisent.
Sans avoir à en faire la démonstration scientifique, il est évident que les lieux de culte offrent des espaces de rassemblement, de soutien moral et spirituel, des programmes sociaux, des services de secours, et bien plus encore. Par exemple, ils hébergent souvent des groupes de soutien pour les personnes en difficulté, organisent des collectes alimentaires et fournissent des services de mentorat et d'éducation. Ces activités ont un impact direct et positif sur la société en général.
Une étude menée par Partners for Sacred Places et l'Université de Pennsylvanie a montré que les congrégations contribuent de manière significative à l'économie locale. En moyenne, chaque congrégation étudiée dans la ville de Philadelphie a généré une valeur économique annuelle de 4,3 millions de dollars, grâce à des dépenses directes, des programmes éducatifs et des impacts catalytiques. Cela montre clairement que les lieux de culte jouent un rôle vital dans le développement économique et social de leurs communautés.
Neutralité de l'État dans un contexte laïc
Dans un État laïque, l'intervention de l'État dans les affaires religieuses doit être minimale. Cela signifie que l'État ne doit ni soutenir ni limiter l'exercice du culte. Les communautés religieuses s'auto-organisent pour fournir un culte public, et cette auto-organisation est essentielle pour la liberté religieuse. Les exemptions fiscales permettent aux communautés religieuses de fonctionner sans l'entrave des charges fiscales, ce qui serait contraire à la neutralité de l'État.
Il est important de noter que ces exemptions ne sont pas uniques aux lieux de culte. De nombreuses organisations à but non lucratif, y compris des écoles privées et des hôpitaux, bénéficient d'exemptions fiscales similaires. Ces institutions, tout comme les lieux de culte, fournissent des services publics qui sont essentiels au bien-être de la société. Les taxer de la même manière que des entreprises privées serait inapproprié et contre-productif.
Effets bénéfiques de la pratique religieuse
La pratique religieuse a des effets bénéfiques prouvés pour l'ensemble de la société. Une étude de Cardus a révélé que les lieux de culte ont un effet socio-économique significatif, souvent appelé "Halo Effect". Voici quelques-uns des bénéfices observés :
Activité économique : Les lieux de culte attirent des visiteurs et des dépenses locales. Par exemple, les mariages, les funérailles et autres événements religieux attirent des personnes de l'extérieur de la communauté qui dépensent de l'argent dans les hôtels, les restaurants et les commerces locaux.
Intégration sociale : Les lieux de culte jouent un rôle crucial dans l'intégration des immigrants. Ils offrent un espace où les nouveaux arrivants peuvent se connecter avec d'autres membres de leur communauté, recevoir un soutien émotionnel et pratique, et s'intégrer plus facilement dans la société québécoise.
Réduction des coûts sociaux : Les personnes pratiquant régulièrement une religion ont tendance à avoir de meilleurs résultats en matière de santé mentale et physique, ce qui réduit les coûts pour le système de santé public. De plus, les réseaux de soutien communautaire des lieux de culte aident à prévenir des problèmes sociaux tels que la dépression, l'isolement et même la criminalité.
Charité et bénévolat : Les pratiquants religieux sont plus enclins à donner à des œuvres de charité et à s'engager dans des activités bénévoles, y compris pour des organisations non religieuses. Cela augmente la solidarité sociale et soutient une variété d'initiatives communautaires bénéfiques.
Les arguments en faveur de la taxation des lieux de culte reposent souvent sur une méconnaissance de leur rôle et de leur impact. Il est crucial de reconnaître que la pratique religieuse a des effets positifs mesurables sur la société, et que les lieux de culte jouent un rôle indispensable dans le tissu social.
Conclusion
Les lieux de culte jouent un rôle vital dans nos communautés en fournissant des services sociaux, économiques et spirituels essentiels. Les exemptions fiscales dont ils bénéficient ne sont pas des privilèges injustifiés, mais une reconnaissance de leur contribution unique et significative à la société québécoise. En exemptant les lieux de culte des taxes, l'État applique la neutralité religieuse et soutient indirectement des services publics qui améliorent la qualité de vie de tous les citoyens.
Enfin, on sait tous que, avec ou sans lieu de culte, on va continuer à pratiquer notre foi et se réunir. L’Église a vécu ses trois premiers siècles sans lieux de culte désignés. Dans plusieurs pays du monde, elle se vit dans les maisons ou dans des endroits discrets. Rendre inopérants les lieux de culte au Québec déplacerait tout simplement les chrétiens dans les maisons, dans des commerces offerts par des membres, ou à user de modèles créatifs pour se réunir.
Jean-Christophe Jasmin- 22 avril 2024
Chrétien et citoyen
Le tribun commanda de faire entrer Paul dans la forteresse, et de lui donner la question par le fouet, afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui. Lorsqu’on l’eut exposé au fouet, Paul dit au centenier qui était présent:
Vous est-il permis de battre de verges un citoyen romain, qui n’est pas même condamné?
À ces mots, le centenier alla vers le tribun pour l’avertir, disant:
Que vas-tu faire? Cet homme est Romain.
Et le tribun, étant venu, dit à Paul:
Dis-moi, es-tu Romain?
Oui, répondit-il. (...)
Aussitôt ceux qui devaient lui donner la question se retirèrent, et le tribun, voyant que Paul était Romain, fut dans la crainte parce qu’il l’avait fait lier.
Actes 22.24-29.
La Bible affirme bien que nous sommes, en tant que chrétiens, citoyens d’une patrie céleste vers laquelle notre espérance se tourne. (Hébreux 11.16) Nous reconnaissons que les royaumes terrestres et nos allégeances politiques sont éphémères, en anticipation du retour du Roi des rois et de l'avènement de son éternel royaume. De nombreux membres de nos communautés protestantes évangéliques au Québec ont subi diverses formes de discrimination pour leur foi, y compris le mépris, la médisance et des traitements inéquitables de la part des autorités.
Ces deux courants, soit l’appartenance à une cité céleste, et le sentiment d’être rejeté par notre cité terrestre, peut amener les chrétiens à une certaine forme de repli. Je constate que, dans nos Églises, ce repli se manifeste d’une part à travers une certaine méfiance envers l’État, et l’acceptation de l’idée qu’un Québécois chrétien ne serait pas un véritable Québécois.
Ce sentiment n’est pas nouveau. Un texte de Catherine Hineault, paru dans le Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme franco-québécois, souligne les diverses manières dont ce sentiment de rejet était déjà présent chez nos communautés dès le XIXe siècle. Elle cite d’ailleurs le médecin baptiste W.H. Dalpé qui suggère, face au rejet des francophones, l’assimilation à la communauté anglophone: « Et si pour récompense de votre zèle envers la langue française, les Canadiens dans leurs conventions, ne cessent de vous repousser et de vous insulter, alors devenez anglais ».
Une fois généralisée, cette attitude a conduit à l'assimilation progressive de la communauté franco-protestante québécoise au début du XXe siècle. Cette assimilation limita grandement la capacité de nos églises à annoncer l’Évangile à nos concitoyens québécois.
Si ne pas être catholique signifiait, avant la révolution tranquille, ne pas être tout à fait Québécois, il semble que depuis le fait d’être pratiquant en général serait un facteur de disqualification sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de combattre cette tendance et d'affirmer, à l'instar de Paul, notre pleine citoyenneté.
De la même façon que Paul pouvait faire appel à sa citoyenneté romaine, nous ne devons pas avoir peur d’affirmer que nous, chrétiens protestants évangéliques, sommes aussi de vrais citoyens québécois. Que les lois du Québec nous protègent de toute forme de discrimination religieuse, et affirme notre égalité avec tous les autres Québécois, quelles que soit leurs convictions religieuses.
Combien de fois ai-je entendu l’excuse de la laïcité, qui est supposée garantir la neutralité de l’État, et l’égalité des citoyens, pour exclure nos communautés d’avoir accès à des services et infrastructures publiques.
L’affaire du Centre des Congrès de Québec est un exemple de cas où nous pensons que l’État Québécois a failli à appliquer à lui-même ses propres principes laïcs de neutralité religieuse de l’État. Dans ce cas, la ministre a donné prépondérance à ses propres convictions personnelles relative à l’avortement, pour faire annuler un contrat en bonne et due forme avec un organisme chrétien qui ne les partageait pas. C’est pourquoi, en collaboration avec des organismes chrétiens de défense des droits, nous entendons intervenir devant les tribunaux pour qu’ils réaffirment que ce genre de discrimination religieuse est innacceptable au Québec.
Comme Paul, sans donner priorité à notre appartenance civique, nous savons faire appel à nos droits en vue de la promotion de l’Évangile.
Le REQ fait appel à nos droits de deux manières complémentaires.
D’abord, d’une main tendue, en travaillant à établir des rapports positifs avec les autorités et les sensibiliser aux principes laïcs québécois qui sont censés assurer la liberté religieuse. En ce sens, nous préparons des documents d’information et organisons des conférences en collaboration avec d’autres organismes religieux, pour faire valoir la place du religieux dans l’espace public québécois. Car la laïcité implique la neutralité religieuse du pouvoir public et non, comme plusieurs le croient, l’exclusion du religieux de l’espace public.
De l’autre, en faisant appel aux tribunaux, et différents organes de défense des droits pour porter plainte lorsque nos droits sont brimés. La Commission des Droits de la personne du Québec, par exemple, est habilitée à intervenir lorsque la liberté de religion d’un citoyen est brimée. D’autres organismes, comme le Conseil de Presse du Québec, peuvent poser une sanction morale, lorsque la couverture journalistique d’un groupe religieux ne respecte pas le code de déontologie journalistique: généralisations abusives, discours haineux, etc.
Ainsi, si vous êtes témoins de discriminations religieuses de la part de l’État ou dans les médias, n’hésitez pas à nous contacter et nous ferons de notre mieux pour vous assister dans le processus de plainte approprié. C’est en défendant nos droits, un cas à la fois, que nous ferons avancer les droits de tous.
Jean-Christophe Jasmin- 15 mars 2024
Le projet de Loi C-367, vers une criminalisation du christianisme? Vraiment?
Le projet de loi C-367: Clarifications et perspectives évangéliques
Dans un contexte où la liberté d'expression et les convictions religieuses se trouvent souvent au cœur des débats publics, le projet de loi C-367, proposé par le Bloc Québécois, a suscité de vives réactions au sein de la communauté évangélique québécoise. Ce projet de loi, qui vise à modifier certaines dispositions du Code Criminel concernant le discours haineux, a été perçu par certains comme une menace imminente à la liberté d'expression des chrétiens, en particulier en ce qui concerne l'éthique sexuelle. Cependant, après une analyse approfondie, il apparaît que les inquiétudes soulevées par ce projet de loi, bien que légitimes, sont largement exagérées.
Analyse du projet de loi C-367
Le cœur du projet de loi réside dans l'abrogation des sections 319(3)b et 319(3.1)b du Code Criminel, qui offrent une défense contre les accusations d'incitation à la haine lorsque les propos sont tenus dans un contexte religieux de bonne foi. Contrairement aux craintes exprimées, cette modification ne vise pas à criminaliser la foi chrétienne ou les textes religieux, mais plutôt à retirer une défense spécifique dans les cas de discours haineux justifiés par des croyances religieuses.
Il est essentiel de reconnaître que le concept de criminaliser le discours haineux trouve ses racines dans des principes chrétiens fondamentaux, notamment l'idée que tous les êtres humains sont créés à l'image de Dieu (Imago Dei) et méritent donc un respect inhérent. Cette perspective est non seulement alignée avec les enseignements de l'Évangile, mais elle est également une pierre angulaire de notre société qui valorise les droits de l'homme.
Impact potentiel et intentions
Quant à l'impact potentiel de l'adoption de ce projet de loi, il semble limité. La défense contre les accusations d'incitation à la haine basée sur la bonne foi religieuse est déjà fortement encadrée par la jurisprudence, qui exige une interprétation stricte de la "bonne foi". Par conséquent, les craintes d'une application large et arbitraire du terme "haine" paraissent infondées, compte tenu de l'approche nuancée et contextuelle adoptée par les tribunaux canadiens.
Toutefois, il n’est pas impossible qu’une définition plus large de discours haineux puisse se développer dans l’avenir. C’est pourquoi nous considérons que le projet de loi C-367 risque d’enlever une protection qui pourrait un jour s’avérer nécessaire pour protéger la liberté d’expression et de religion.
Malgré cela, il est important de considérer les motivations politiques potentielles, sachant que le paysage législatif et politique est complexe et souvent influencé par diverses stratégies partisanes. Il ne nous est pas clair si l’intention du bloc, en déposant ce projet de loi, est de véritablement offrir une protection supplémentaire aux communautés victimes de discours haineux, ou de mobiliser un électorat qui a une opinion très négative de la religion.
Autrement dit, on craint souvent l’instrumentalisation du politique par le religieux, mais ce qu’on constate le plus souvent, c’est l’instrumentalisation politique de la crainte du religieux.
Réaction appropriée
Face à ce projet de loi, il est conseillé d'adopter une approche mesurée, favorisant le dialogue et la compréhension plutôt que la confrontation. Il est crucial pour la communauté évangélique de maintenir une bonne conduite, comme encouragé par l'apôtre Pierre, afin de témoigner positivement de ses valeurs et convictions dans l'espace public.
Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera. - 1 Pierre 2.12
En conclusion, bien que le projet de loi C-367 soulève des questions légitimes concernant l'équilibre entre la lutte contre le discours haineux et la préservation de la liberté d'expression religieuse, il apparaît que les inquiétudes initiales quant à une restriction significative de cette liberté sont exagérées. Le débat autour de ce projet de loi offre une opportunité pour la communauté évangélique de réaffirmer son engagement envers les principes de respect, de dignité humaine, et de dialogue constructif, valeurs fondamentales à la fois du christianisme et de la société canadienne.