Communiquer avec notre service de relations publiques
(L’ironie qu’un média subventionné par l’État propose de taxer des acteurs publics non-étatiques pour financer davantage l’État ne semble pas poser de problème à la rédaction!)
Cet article, qui a ravivé les discussions sur le rôle des lieux de culte et leur contribution à la société, répète plusieurs des erreurs conceptuelles par rapport à la place de la religion dans l’espace public. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est lorsque des élus ou des experts se trompent de manière aussi flagrante. D’ailleurs, le choix de RC d’interroger un expert qui milite depuis longtemps contre les exemptions fiscales des lieux de culte, en le présentant simplement comme un expert neutre remet en question l’approche journalistique du sujet.
D’abord, il est important de comprendre que ces exemptions ne sont pas des privilèges injustifiés, mais plutôt une reconnaissance de la valeur que les lieux de culte apportent à nos communautés. Dans cet article de blogue, on va explorer les arguments en faveur de l'exemption fiscale des lieux de culte et démonter quelques idées reçues sur le sujet.
L'exemption fiscale n'est pas une subvention
Commençons par une idée reçue très répandue : l'exemption fiscale, ce n'est pas une subvention de l'État. En gros, si l'État ne prélève pas de taxe foncière sur ces propriétés, ça ne veut pas dire qu'il leur donne de l'argent. D’ailleurs, généralement l’exemption de taxe foncière ne s’applique pas à certains services dont le bâtiment bénéficie (aqueduc, ordures, etc.). L’exemption fiscale, c'est une manière pour l'État de rester neutre vis-à-vis des services religieux, sans les soutenir ni les restreindre. C'est en fait la mise en pratique de la neutralité religieuse, un principe fondamental dans notre société laïque.
La neutralité religieuse de l'État, ça veut dire qu'il ne doit pas se mêler des affaires religieuses, sauf pour garantir la liberté de religion. En exemptant les lieux de culte des taxes, l'État reconnaît que ces institutions jouent un rôle unique qui ne peut être comparé à celui d'une entreprise privée. Les services religieux, contrairement à un commerce, ne génèrent pas de profit et ne devraient donc pas être taxés comme tels.
Les services religieux comme service public
Il est essentiel de comprendre que les services religieux ne sont pas une entreprise privée, mais un service public offert à des citoyens qui contribuent déjà à la société. Les lieux de culte, qu'ils soient églises, mosquées, synagogues ou temples, fournissent des services essentiels à leurs communautés. Ces services sont comparables à ceux offerts par les écoles, les hôpitaux et même les infrastructures comme les routes.
Une objection, qui est d’ailleurs faite par le Pr. Grenon dans un de ses articles sur le sujet, est que le fardeau de la preuve d’un bénéfice public tangible de la pratique religieuse repose sur les épaules des groupes religieux.
Je répondrais d’abord que, tel que stipulé dans le jugement Saguenay, l’État ne peut favoriser ni la religion, ni l’irréligion. On ne peut imposer aux groupes religieux un fardeau supplémentaire qu’on n’imposerait pas à des institutions non-religieuses. Si Radio-Canada reçoit un financement public, c’est parce qu’on croit que cette société offre un service bénéfique pour le public. On n’impose pas à Radio-Canada de démontrer scientifiquement les effets positifs de son activité sur le public. C’est la même chose pour les musées, les parcs, etc. Parce que le public utilise ces services, on prend pour acquis qu’ils offrent un bénéfice à ceux qui les utilisent.
Sans avoir à en faire la démonstration scientifique, il est évident que les lieux de culte offrent des espaces de rassemblement, de soutien moral et spirituel, des programmes sociaux, des services de secours, et bien plus encore. Par exemple, ils hébergent souvent des groupes de soutien pour les personnes en difficulté, organisent des collectes alimentaires et fournissent des services de mentorat et d'éducation. Ces activités ont un impact direct et positif sur la société en général.
Une étude menée par Partners for Sacred Places et l'Université de Pennsylvanie a montré que les congrégations contribuent de manière significative à l'économie locale. En moyenne, chaque congrégation étudiée dans la ville de Philadelphie a généré une valeur économique annuelle de 4,3 millions de dollars, grâce à des dépenses directes, des programmes éducatifs et des impacts catalytiques. Cela montre clairement que les lieux de culte jouent un rôle vital dans le développement économique et social de leurs communautés.
Neutralité de l'État dans un contexte laïc
Dans un État laïque, l'intervention de l'État dans les affaires religieuses doit être minimale. Cela signifie que l'État ne doit ni soutenir ni limiter l'exercice du culte. Les communautés religieuses s'auto-organisent pour fournir un culte public, et cette auto-organisation est essentielle pour la liberté religieuse. Les exemptions fiscales permettent aux communautés religieuses de fonctionner sans l'entrave des charges fiscales, ce qui serait contraire à la neutralité de l'État.
Il est important de noter que ces exemptions ne sont pas uniques aux lieux de culte. De nombreuses organisations à but non lucratif, y compris des écoles privées et des hôpitaux, bénéficient d'exemptions fiscales similaires. Ces institutions, tout comme les lieux de culte, fournissent des services publics qui sont essentiels au bien-être de la société. Les taxer de la même manière que des entreprises privées serait inapproprié et contre-productif.
Effets bénéfiques de la pratique religieuse
La pratique religieuse a des effets bénéfiques prouvés pour l'ensemble de la société. Une étude de Cardus a révélé que les lieux de culte ont un effet socio-économique significatif, souvent appelé "Halo Effect". Voici quelques-uns des bénéfices observés :
Activité économique : Les lieux de culte attirent des visiteurs et des dépenses locales. Par exemple, les mariages, les funérailles et autres événements religieux attirent des personnes de l'extérieur de la communauté qui dépensent de l'argent dans les hôtels, les restaurants et les commerces locaux.
Intégration sociale : Les lieux de culte jouent un rôle crucial dans l'intégration des immigrants. Ils offrent un espace où les nouveaux arrivants peuvent se connecter avec d'autres membres de leur communauté, recevoir un soutien émotionnel et pratique, et s'intégrer plus facilement dans la société québécoise.
Réduction des coûts sociaux : Les personnes pratiquant régulièrement une religion ont tendance à avoir de meilleurs résultats en matière de santé mentale et physique, ce qui réduit les coûts pour le système de santé public. De plus, les réseaux de soutien communautaire des lieux de culte aident à prévenir des problèmes sociaux tels que la dépression, l'isolement et même la criminalité.
Charité et bénévolat : Les pratiquants religieux sont plus enclins à donner à des œuvres de charité et à s'engager dans des activités bénévoles, y compris pour des organisations non religieuses. Cela augmente la solidarité sociale et soutient une variété d'initiatives communautaires bénéfiques.
Les arguments en faveur de la taxation des lieux de culte reposent souvent sur une méconnaissance de leur rôle et de leur impact. Il est crucial de reconnaître que la pratique religieuse a des effets positifs mesurables sur la société, et que les lieux de culte jouent un rôle indispensable dans le tissu social.
Conclusion
Les lieux de culte jouent un rôle vital dans nos communautés en fournissant des services sociaux, économiques et spirituels essentiels. Les exemptions fiscales dont ils bénéficient ne sont pas des privilèges injustifiés, mais une reconnaissance de leur contribution unique et significative à la société québécoise. En exemptant les lieux de culte des taxes, l'État applique la neutralité religieuse et soutient indirectement des services publics qui améliorent la qualité de vie de tous les citoyens.
Enfin, on sait tous que, avec ou sans lieu de culte, on va continuer à pratiquer notre foi et se réunir. L’Église a vécu ses trois premiers siècles sans lieux de culte désignés. Dans plusieurs pays du monde, elle se vit dans les maisons ou dans des endroits discrets. Rendre inopérants les lieux de culte au Québec déplacerait tout simplement les chrétiens dans les maisons, dans des commerces offerts par des membres, ou à user de modèles créatifs pour se réunir.