Blogue des affaires externes

 

 Jean-Christophe Jasmin- 22 avril 2024

Chrétien et citoyen 

Le tribun commanda de faire entrer Paul dans la forteresse, et de lui donner la question par le fouet, afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui. Lorsqu’on l’eut exposé au fouet, Paul dit au centenier qui était présent: 



À ces mots, le centenier alla vers le tribun pour l’avertir, disant: 



Et le tribun, étant venu, dit à Paul: 



Aussitôt ceux qui devaient lui donner la question se retirèrent, et le tribun, voyant que Paul était Romain, fut dans la crainte parce qu’il l’avait fait lier. 


Actes 22.24-29.



La Bible affirme bien que nous sommes, en tant que chrétiens, citoyens d’une patrie céleste vers laquelle notre espérance se tourne. (Hébreux 11.16) Nous reconnaissons que les royaumes terrestres et nos allégeances politiques sont éphémères, en anticipation du retour du Roi des rois et de l'avènement de son éternel royaume. De nombreux membres de nos communautés protestantes évangéliques au Québec ont subi diverses formes de discrimination pour leur foi, y compris le mépris, la médisance et des traitements inéquitables de la part des autorités.


Ces deux courants, soit l’appartenance à une cité céleste, et le sentiment d’être rejeté par notre cité terrestre, peut amener les chrétiens à une certaine forme de repli. Je constate que, dans nos Églises, ce repli se manifeste d’une part à travers une certaine méfiance envers l’État, et l’acceptation de l’idée qu’un Québécois chrétien ne serait pas un véritable Québécois. 


Ce sentiment n’est pas nouveau. Un texte de Catherine Hineault, paru dans le Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme franco-québécois, souligne les diverses manières dont ce sentiment de rejet était déjà présent chez nos communautés dès le XIXe siècle. Elle cite d’ailleurs le médecin baptiste W.H. Dalpé qui suggère, face au rejet des francophones, l’assimilation à la communauté anglophone: « Et si pour récompense de votre zèle envers la langue française, les Canadiens dans leurs conventions, ne cessent de vous repousser et de vous insulter, alors devenez anglais ». 


Une fois généralisée, cette attitude a conduit à l'assimilation progressive de la communauté franco-protestante québécoise au début du XXe siècle. Cette assimilation limita grandement la capacité de nos églises à annoncer l’Évangile à nos concitoyens québécois.


Si ne pas être catholique signifiait, avant la révolution tranquille, ne pas être tout à fait Québécois, il semble que depuis le fait d’être pratiquant en général serait un facteur de disqualification sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de combattre cette tendance et d'affirmer, à l'instar de Paul, notre pleine citoyenneté.


De la même façon que Paul pouvait faire appel à sa citoyenneté romaine, nous ne devons pas avoir peur d’affirmer que nous, chrétiens protestants évangéliques, sommes aussi de vrais citoyens québécois. Que les lois du Québec nous protègent de toute forme de discrimination religieuse, et affirme notre égalité avec tous les autres Québécois, quelles que soit leurs convictions religieuses.


Combien de fois ai-je entendu l’excuse de la laïcité, qui est supposée garantir la neutralité de l’État, et l’égalité des citoyens, pour exclure nos communautés d’avoir accès à des services et infrastructures publiques. 


L’affaire du Centre des Congrès de Québec est un exemple de cas où nous pensons que l’État Québécois a failli à appliquer à lui-même ses propres principes laïcs de neutralité religieuse de l’État. Dans ce cas, la ministre a donné prépondérance à ses propres convictions personnelles relative à l’avortement, pour faire annuler un contrat en bonne et due forme avec un organisme chrétien qui ne les partageait pas. C’est pourquoi, en collaboration avec des organismes chrétiens de défense des droits, nous entendons intervenir devant les tribunaux pour qu’ils réaffirment que ce genre de discrimination religieuse est innacceptable au Québec. 


Comme Paul, sans donner priorité à notre appartenance civique, nous savons faire appel à nos droits en vue de la promotion de l’Évangile. 


Le REQ fait appel à nos droits de deux manières complémentaires.


D’abord, d’une main tendue, en travaillant à établir des rapports positifs avec les autorités et les sensibiliser aux principes laïcs québécois qui sont censés assurer la liberté religieuse. En ce sens, nous préparons des documents d’information et organisons des conférences en collaboration avec d’autres organismes religieux, pour faire valoir la place du religieux dans l’espace public québécois. Car la laïcité implique la neutralité religieuse du pouvoir public et non, comme plusieurs le croient, l’exclusion du religieux de l’espace public.


De l’autre, en faisant appel aux tribunaux, et différents organes de défense des droits pour porter plainte lorsque nos droits sont brimés. La Commission des Droits de la personne du Québec, par exemple, est habilitée à intervenir lorsque la liberté de religion d’un citoyen est brimée. D’autres organismes, comme le Conseil de Presse du Québec, peuvent poser une sanction morale, lorsque la couverture journalistique d’un groupe religieux ne respecte pas le code de déontologie journalistique: généralisations abusives, discours haineux, etc.



Ainsi, si vous êtes témoins de discriminations religieuses de la part de l’État ou dans les médias, n’hésitez pas à nous contacter et nous ferons de notre mieux pour vous assister dans le processus de plainte approprié. C’est en défendant nos droits, un cas à la fois, que nous ferons avancer les droits de tous.

 Jean-Christophe Jasmin- 15 mars 2024

Le projet de Loi C-367, vers une criminalisation du christianisme? Vraiment? 

Le projet de loi C-367: Clarifications et perspectives évangéliques


Dans un contexte où la liberté d'expression et les convictions religieuses se trouvent souvent au cœur des débats publics, le projet de loi C-367, proposé par le Bloc Québécois, a suscité de vives réactions au sein de la communauté évangélique québécoise. Ce projet de loi, qui vise à modifier certaines dispositions du Code Criminel concernant le discours haineux, a été perçu par certains comme une menace imminente à la liberté d'expression des chrétiens, en particulier en ce qui concerne l'éthique sexuelle. Cependant, après une analyse approfondie, il apparaît que les inquiétudes soulevées par ce projet de loi, bien que légitimes, sont largement exagérées.


Analyse du projet de loi C-367


Le cœur du projet de loi réside dans l'abrogation des sections 319(3)b et 319(3.1)b du Code Criminel, qui offrent une défense contre les accusations d'incitation à la haine lorsque les propos sont tenus dans un contexte religieux de bonne foi. Contrairement aux craintes exprimées, cette modification ne vise pas à criminaliser la foi chrétienne ou les textes religieux, mais plutôt à retirer une défense spécifique dans les cas de discours haineux justifiés par des croyances religieuses.


Il est essentiel de reconnaître que le concept de criminaliser le discours haineux trouve ses racines dans des principes chrétiens fondamentaux, notamment l'idée que tous les êtres humains sont créés à l'image de Dieu (Imago Dei) et méritent donc un respect inhérent. Cette perspective est non seulement alignée avec les enseignements de l'Évangile, mais elle est également une pierre angulaire de notre société qui valorise les droits de l'homme.


Impact potentiel et intentions


Quant à l'impact potentiel de l'adoption de ce projet de loi, il semble limité. La défense contre les accusations d'incitation à la haine basée sur la bonne foi religieuse est déjà fortement encadrée par la jurisprudence, qui exige une interprétation stricte de la "bonne foi". Par conséquent, les craintes d'une application large et arbitraire du terme "haine" paraissent infondées, compte tenu de l'approche nuancée et contextuelle adoptée par les tribunaux canadiens.


Toutefois, il n’est pas impossible qu’une définition plus large de discours haineux puisse se développer dans l’avenir. C’est pourquoi nous considérons que le projet de loi C-367 risque d’enlever une protection qui pourrait un jour s’avérer nécessaire pour protéger la liberté d’expression et de religion. 


Malgré cela, il est important de considérer les motivations politiques potentielles, sachant que le paysage législatif et politique est complexe et souvent influencé par diverses stratégies partisanes. Il ne nous est pas clair si l’intention du bloc, en déposant ce projet de loi, est de véritablement offrir une protection supplémentaire aux communautés victimes de discours haineux, ou de mobiliser un électorat qui a une opinion très négative de la religion.


Autrement dit, on craint souvent l’instrumentalisation du politique par le religieux, mais ce qu’on constate le plus souvent, c’est l’instrumentalisation politique de la crainte du religieux. 


Réaction appropriée


Face à ce projet de loi, il est conseillé d'adopter une approche mesurée, favorisant le dialogue et la compréhension plutôt que la confrontation. Il est crucial pour la communauté évangélique de maintenir une bonne conduite, comme encouragé par l'apôtre Pierre, afin de témoigner positivement de ses valeurs et convictions dans l'espace public. 

 Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera. - 1 Pierre 2.12



En conclusion, bien que le projet de loi C-367 soulève des questions légitimes concernant l'équilibre entre la lutte contre le discours haineux et la préservation de la liberté d'expression religieuse, il apparaît que les inquiétudes initiales quant à une restriction significative de cette liberté sont exagérées. Le débat autour de ce projet de loi offre une opportunité pour la communauté évangélique de réaffirmer son engagement envers les principes de respect, de dignité humaine, et de dialogue constructif, valeurs fondamentales à la fois du christianisme et de la société canadienne.